Rencontre avec l’auteure Sylvie Liand
Aujourd’hui, j’ai rencontré Sylvie Liand, maman de deux enfants, dont Dorian qui me ressemble. Elle a écrit des livres pour enfants qui parlent du handicap, Les histoires de Nicolas. Elle a également écrit deux livres pour adultes, Trace d’Amour et Libellule qui vient de sortir.
1. Sylvie, en quelques mots qui es-tu ?
Moi je dirais que je suis un être un peu spécial qui est venu expérimenter la vie sur terre, qui se débrouille comme elle peut pour faire prendre conscience aux gens de l’importance d’être qui on est.
Marion : Pourquoi dis-tu que tu es un être un peu spécial ?
Je me suis toujours sentie différente et en décalage avec les gens qui m’entouraient c’est pour ça que je me dis un peu spéciale. J’aime bien le langage non-verbal, j’aime le silence alors que souvent les gens autour de nous aiment bien meubler le silence. Ils ne se sentent pas à l’aise avec lui. Quand on est un peu spécial, on se sent à l’aise avec le silence parce qu’on n’a pas peur d’être avec nous-même. C’est dans ce sens-là.
2. Comment t’est venue l’envie d’écrire des livres pour enfants qui parlent du handicap ?
Cette envie ne vient pas de moi, c’est Dorian mon fils qui voulait absolument qu’on parle du handicap moteur, pour qu’il puisse expliquer aux autres enfants comment il vivait son quotidien. Il s’est rendu compte que souvent les enfants ne savaient pas ce que c’était et que certains avaient peur. D’autres avaient plein de questions qui restaient souvent sans réponse, car beaucoup de parents ne savent pas répondre et disent : « Tais-toi, on ne pose pas ces questions-là ». Alors moi en tant que maman, je n’ai pu que dire « OUI d’accord je te suis dans cette folle aventure ». On a décidé ensemble de choisir d’abord le thème de la rentrée scolaire parce que ça concerne la plupart des enfants. Ensuite il avait envie de parler de son école spécialisée, parce qu’il était trop bien dans cette école, il était trop content d’aller retrouver ses copains et ses maîtresses. C’est vraiment lui qui m’a donné l’impulsion d’écrire ces livres pour les enfants.
3. Si tu pouvais changer quelque chose par rapport au regard que les gens portent sur le handicap ce serait quoi ?
Ça serait de transformer la peur en amour, parce qu’en fait il n’y a aucune raison d’avoir peur. Et puis, quand on aime, on n’a jamais peur.
Marion : c’est trop compliqué de transformer la peur en amour.
Sylvie : Tu sais, je me dis que si les gens apprennent à connaître le monde du handicap, ils n’auront plus peur. Et puis quand on apprend à connaître quelque chose en général, on commence à l’aimer. Qu’est-ce que t’en penses ?
Marion : Pour moi ce n’est pas comme ça. Les gens ne sont pas toujours prêts à nous découvrir et à nous entendre, ils pensent qu’on n’a rien à dire, ils ne nous comprennent pas, alors qu’on en sait souvent plus qu’eux. Je pense qu’ils doivent d’abord avancer avant de nous comprendre.
4. Que disent les enfants lorsque tu leur présentes tes livres ?
Ils veulent savoir si c’est un personnage qui a été inventé ou pas. C’est toujours la première question ! Ensuite, souvent ils se disent « ahhh c’est génial tout ce qu’il peut faire », parce qu’ils n’imaginent pas que c’est possible de faire toutes ces choses. Voilà les deux principales remarques. Vu qu’il y a les dessins, ça les aide aussi à imaginer vraiment le quotidien. Donc ils se rendent plus compte de ce qu’il est possible de faire ou pas. Puis ils y en a qui disent : « ça doit pas être rigolo de pas pouvoir parler, de ne pas pouvoir marcher …». Et en même temps dans les histoires, ils voient qu’il y a des bons côtés aussi…. il y en a quand même des bons côtés, non ?!?
C’est difficile pour eux d’imaginer votre quotidien.
5. Quel livre (dans les histoires de Nicolas) as-tu préféré écrire et pourquoi ?
Oh là là, ça c’est une sacrée question ! Je pense que ça doit être les vacances d’été(tome 4) et les activités d’hiver(tome 6), parce que c’est vraiment les moments qu’on partageait en famille. Et pour moi, ces moments me sont les plus chers. Je sais que pour Dorian, l’école spécialisée et les thérapies, c’était des livres importants parce que ça faisait tellement partie de son quotidien. Mais pour moi, c’était vraiment ces moments en famille, toutes ces choses qu’on pouvait faire ensemble.
6. Pourquoi as-tu choisi de parler de ce qui est arrivé à Dorian dans ton livre « Trace d’amour » ?
C’est une belle question ! En fait, j’ai commencé à écrire ce livre en m’adressant à lui comme pour lui faire une lettre. Pour lui dire à quel point il avait rempli ma vie et à quel point il la remplit encore. Je n’ai pas pensé que ça pourrait aider les autres, mais une amie m’a dit : « Il faut que tu présentes ce livre au monde, les gens vont être touchés et vont recevoir ce message aussi. » Donc ça c’était la deuxième mission ! Mais vraiment dans un premier temps je l’ai fait pour moi, pour lui, pour qu’il reste quelque chose de physique aussi de notre histoire, pour notre famille. Et dans un deuxième temps c’était pour diffuser plus loin. Mais moi j’en ai eu besoin aussi, pour pouvoir me rendre compte à quel point c’était beau, à quel point c’était intense, à quel point on a profité, à quel point on a vécu. Parce que je pense qu’il y a beaucoup de gens qui passent à côté de leur vie complètement, et puis nous on a vécu….même si c’était un quotidien très EXTRAordinaire il valait la peine, et si c’était à refaire, je ferais tout pareil !
Marion : C’est trop beau d’écrire à Dorian.
Sylvie : Oui dans le livre je lui écris à lui, je raconte la rencontre avec son papa, comment je me sentais quand on a construit la maison quand j’ai appris que j’étais enceinte. C’était comme une grande lettre pour lui. Après si ça peut accompagner d’autres personnes pour qu’ils prennent conscience de la chance qu’ils ont, de la chance que c’est d’être en vie, que tout ça est un cadeau, et bien tant mieux ! Quand je lui écrivais c’était vraiment des moments que je passais avec lui. Y a rien de plus beau que de passer du temps avec son enfant. Oui parfois c’est dur, mais c’est que de l’amour. Et vraiment, pour toutes les nuits blanches, je dis MERCI ! Vous êtes des cadeaux immenses.
7. Si tu devais donner un conseil aux mamans d’enfant en situation de handicap, ce serait quoi ?
Un conseil….mais alors pas que pour les mamans d’enfants en situation de handicap, pour toutes les mamans. Ce serait : Aimez à fond vos enfants ! Profitez de tous les bisous qu’on peut voler, on adore vous voler des bisous ! Profitez de chaque moment parce que chaque moment est unique. Dernièrement, ça me faisait mal au cœur de voir une maman sur son téléphone avec le petit dans la poussette et je me suis dit qu’il n’y avait pas d’interaction. Je trouvais ça tellement triste. Il faut profiter de ce moment-là, parce que son petit bout qui avait quelques mois ben il n’aura pas quelques mois toute sa vie. Qu’elle profite de chaque moment, car le temps passe vite.
8. Qu’est-ce qui est le plus important pour toi lorsque tu écris ?
Quand j’écris, le plus important c’est de pouvoir rester dans ce silence intérieur pour avoir l’intuition qui arrive. Donc c’est vraiment des moments qui sont à moi où je me mets un peu dans une bulle. Il peut y avoir la radio à la maison, il peut y avoir plein de choses, mais moi je me mets dans cette bulle et puis je reste dans ce silence. C’est ça qui me permet d’accueillir les personnages par exemple leur personnalité, leur folie pour certains . Et pour le livre Trace d’amour, c’était d’être dans ce silence pour passer du temps avec Dorian.
9. Quand tu écris tu sais déjà ce que tu vas écrire ?
Pour le roman Libellule j’avais vraiment eu l’idée d’une fille et les autres personnages sont arrivés après. Ça s’est construit un peu tout seul, j’ai pas tout compris comment ça fonctionne. J’ai d’abord eu Pauline la fille, puis il y a eu Evan et puis après y a eu plein de choses qui se sont croisées. C’était très intéressant de voir comment les personnages entre eux avaient une histoire à se raconter, des guérisons à opérer. Mais je n’avais pas toute l’histoire avant de commencer, pas du tout. J’avais une fille et tout d’un coup elle est partie toute seule dans son aventure et j’ai suivi.
À ce propos, les deux moments clés chez moi pour écrire c’est le soir avant de dormir et sous la douche. Dans ces moments j’ai plein d’infos qui me viennent, je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça. Donc le soir j’avais un petit carnet à côté du lit où je mettais des petits mots-clés pour ne pas oublier d’ici le lendemain matin. Et puis quand ça arrivait sous la douche, je sortais assez rapidement, je me dépêchais un peu plus, et j’allais noter mes petits mots-clés pour pouvoir écrire quand j’avais le temps. C’est un peu comme planter un jardin, tu ne sais pas toujours quelle graine tu plantes et finalement ça pousse, je ne savais pas trop ce que j’allais cueillir. L’histoire elle s’est construite toute seule, c’est un peu comme nos vies. On vient là sur terre, et on ne sait pas tout ce qu’il va se passer et puis ça se construit petit à petit sauf que là c’est plus court, c’est sur une année que j’ai écrit une histoire qui a grandi toute seule.
Sylvie : Et chez toi ça se passe aussi comme ça ?
Marion : Oui, on ne sait jamais ce qu’on va écrire. Il y a un début et après on voit ce qui arrive. Ce qui nous épate c’est comme ça a du sens et comment l’histoire se construit sans trop y réfléchir à l’avance. On a toujours des surprises ! Mais c’est difficile à expliquer ce phénomène. On s’attache aussi beaucoup aux personnages. C’est comme si ils avaient leur propre vie.
10. Est-ce que tu t’inspires de gens que tu connais pour tes personnages ?
C’est très drôle, parce que je me suis dit que les personnages de mon roman ont plein de facettes que j’ai. Sous des angles différents, dans des situations différentes, je me retrouve un peu dans chaque personnage en fait. Je ne me suis pas inspirée de personnes que je connais, pour moi ils ont une identité propre. Mais ils ont tous des traits de mon caractère.
Marion : Moi je m’inspire de ce que vivent les gens autour de moi, et je suis aussi un peu tous les personnages.
11. Quelles sont les difficultés que tu as rencontré pour diffuser tes livres ?
Oh mon Dieu, Marion si tu savais les difficultés rencontrées ! Et bien ce matin je me suis dit la même chose pour Libellule, il faut que je réfléchisse à un plan d’attaque, car c’est difficile quand on n’a pas de maison d’édition qui fait elle-même ces démarches auprès de toutes les librairies et les grands commerces. Et dans notre situation, nous devons aller frapper aux portes de ces commerces seule. Pour Trace d’amour, je me suis rendue à la Fnac à Conthey avec mon livre en leur demandant s’il y avait la possibilité de le vendre. La responsable de rayon m’a alors répondu que comme j’habitais dans la région, elle allait lire mon roman, et ainsi voir si il était potentiellement intéressant. Elle m’a ensuite contacté et proposé plutôt que de le déposer en rayon de faire deux journées de dédicaces avec des affiches et de la publicité. Pour Libellule, je me suis dit qu’il fallait que je lance tout ce processus de publicité et de diffusion. Les livres de Nicolas, malheureusement sont un peu à la traîne, car ils n’ont pas bénéficié de publicité particulière et que mon réseau est restreint. Donc actuellement je n’ai pas de pistes concrètes, mais je vais me pencher sur ce projet au mois de novembre. Et dès les premières pistes je te contacte.
Je pense quand même qu’il faudrait trouver un moyen d’avoir un endroit où toutes sortes d’artistes peuvent présenter leurs produits, comme des céramistes, des peintres, peu importe l’art, mais dans cette boutique là il faudrait pouvoir trouver tout ce qui est local.
12. Un livre, un spectacle, un film que tu aimerais partager ?
Mon film préféré c’est Mary Poppins, le premier, celui de l’époque parce que ce film m’a toujours fait rêver et me fait encore rêver aujourd’hui. Surtout le passage où ils sont devant les dessins, ils sautent et se retrouvent dans le dessin. J’adore ça !
13. Ton livre « Libellule » parle de guérison. Peux-tu nous en dire plus ?
Alors c’est une guérison par rapport à un traumatisme qui s’est passé dans l’histoire. En fait il y a le personnage de Pauline dont je t’ai parlé tout à l’heure, qui perd son papa dans un accident de voiture. Et le personnage d’Evan va perdre sa maman dans le même accident, mais en fait ils ne le savent pas. Et il y a un moment dans l’histoire où ils vont se rencontrer. Alors ce n’est pas une grande histoire d’amour, mais c’est une magnifique histoire d’amitié qui se passe entre eux et ils vont apprendre à guérir de cette blessure-là ensemble.
C’est vraiment une guérison, une sorte de retour vers soi , parce que Pauline dans son histoire de vie elle a fait passer un peu le malheur des autres avant le sien. Elle ne s’est pas rendue compte à quel point elle avait été blessée par l’absence de son père, et donc elle va apprendre à se retrouver, à se reconnaître, à devenir vraiment qui elle est.
14. Quelle question voudrais-tu qu’on te pose ?
Franchement c’est une question difficile, celle-là tu aurais dû me l’envoyer en avance pour que je puisse y réfléchir, parce que c’est vraiment important de poser la bonne question ! Peut-être que la question que l’on pourrait me poser, c’est « si tu étais un mot lequel ? »
Il va falloir me laisser du temps pour réfléchir. Par contre je te la pose aussi Marion, si tu étais un seul mot toi qui aime écrire, ça serait lequel ?
Marion : Amour
Sylvie : J’ai aussi pensé à Amour, mais ce qui revient toujours c’est Lumière. Parce que j’espère pouvoir éclairer un peu les gens qui n’arrivent pas trop à ouvrir les yeux, éclairer quelques chemins.
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